Ce récit mystérieux est probablement de tradition yahviste. Jacob se lève durant la nuit et décide de passer le gué du Yabboq (aujourd'hui le Nahr ez-Zerqa) avec ses deux femmes, ses onze enfants, et tout ce qu'il possède. Ensuite, le soir, Jacob reste seul sur la rive.
C'est alors que quelqu'un lutte avec lui jusqu'au lever de l'aurore. Il s'agit d'une lutte physique (un corps à corps) avec un agresseur inconnu qui refuse de se nommer (associé parfois à un ange, du moins à un être surnaturel). Voyant qu'il ne le maîtrise pas, l'agresseur frappe la hanche de Jacob qui se démet. Il lui dit: "Lâche-moi, car l'aurore est levée" (verset 27). Mais Jacob ne veut pas cesser la lutte tant qu'il n'obtiendra pas sa bénédiction. L'inconnu lui demande : "Quel est ton nom" et apprend qu'il s'appelle Jacob. Il lui dit alors : "On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu et contre les hommes et tu l'as emporté". Le mot Israël signifiait probablement "que Dieu se montre fort" mais ici il prend un sens différent : "il a été fort contre Dieu". Jacob demande ensuite à connaître le nom de son agresseur. Ce dernier lui répond : "Pourquoi demandes-tu à connaître mon nom?" (verset 30), et là il le bénit. Jacob a voulu maîtriser l'inconnu en le nommant. Mais c'est lui qui sort renommé de cet affrontement, béni et renouvelé.
Jacob donne à cet endroit le nom de Penuel, car, dit-til, il a vu Dieu face à face et il a eu la vie sauve. Effectivement, pour la première fois dans la bible, on trouve ici l'idée que l'on peut voir Dieu sans mourir. Cela demeure cependant un privilège spécial pour Jacob.
Au lever du soleil, Jacob passe Penuel en boitant de la hanche. Le texte précise que c'est la raison pour laquelle les israélites ne mangent pas le nerf sciatique qui se trouve à l'emboîture de la hanche parce que c'est à ce même endroit que Dieu avait frappé Jacob. Il s'agit ici d'une vieille tradition alimentaire dont on ne trouve aucune autre mention dans la bible.
Ce récit est construit à partir d'une vieille histoire. En effet, dans les mythes, entrer dans un territoire nouveau, c'est affronter le Dieu de la frontière (ici celui du fleuve). Mais le récit acquiert un sens nouveau : il permet d'expliquer le nom de Penuel par Peni'el (face à Dieu) et, conséquemment, de donner une origine au nom d'Israël. Le mot Israël est chargé d'un sens religieux. Jacob s'accroche à Dieu, ne le lâche pas, force sa bénédiction, ce qui obligera Dieu vis-à-vis de tous ceux qui porteront le nom d'Israël.
L'origine du nom Israël n'en reste pas moins confuse. L'explication populaire ("combattant avec Dieu) ne correspond pas pleinement à la forme grammaticale. En dehors de l'Ancien Testament, on trouve une mention épigraphique du nom sur une stèle du pharaon Mérenptah, dans le temple funéraire de Thèbes (datée de 1219 av. J.-C.). On pense que ce nom est apparu avec la sédentarisation des premières tribus hébraïques au pays de Canaan
Pour Saint-Jérôme, père de l'Église et traducteur de la bible, ce récit du combat entre Jacob et Dieu est l'image du combat spirituel et de l'efficacité de la prière instante.