Après la révolte du premier couple contre l'ordre de Dieu (récit du péché originel), nous prenons connaissance du premier conflit grave entre les hommes. La haine de Caïn pour Abel est un récit puissant et imagé qui serait superposé sur un récit de fratricide qui appartenait au corpus primitif de la Genèse. Il est attribué à la plume Yahviste, bien qu'avec de multiples sources superposées, et semble remonter au IXe sciècle avant J.-C., période durant laquelle les Hébreux étaient sédentarisés depuis longtemps. Cela explique son parti pris contre le nomadisme.
Le récit: Caïn est le premier enfant d'Adam et Ève, suivi de son frère Abel. Cette union entre l'homme et la femme est à l'image de la générosité et de la fécondité du Créateur. Caïn devint cultivateur et Abel devint pasteur de petit bétail. Il y a dès le début du récit un fort antagonisme qui sépare les deux frères. Tous deux, très pieux, présentent des offrandes à Yahvé: Caïn offre des produits du sol et Abel offre des premiers-nés de son troupeau , ainsi que leur graisse. Yahvé accepte l'offrande de Caïn mais délaisse celle d'Abel. Il y a ici un motif qui se répète souvent dans l'histoire de la Bible: la préférence de Yahvé pour le fils cadet au détriment de l'aîné. D'un point de vue théologique, le texte démontre la puissance et la liberté du libre arbitre de Dieu qui méprise les lois humaines et se montre enclin à favoriser les plus démunis. Cependant, ce choix n'est-il pas sans danger? Ne suscite-t-il pas l'incompréhension et la haine? C'est justement ce qui se produit avec Caïn qui ne cache pas son irritation devant le choix de Yahvé. Celui-ci l'interroge et le met en garde contre le péché qui menace tout être mal disposé. Caïn ne donne aucune réponse à Yahvé. Il invite Abel dans la campagne et, une fois seul, se jette sur son frère à dessein de perpétrer le premier meurtre.
Yahvé interroge de nouveau Caïn: "Où est ton frère Abel?" (verset 9). Il répond sur la défensive: "Suis-je le gardien de mon frère?" Yahvé le confronte à son crime: "Qu'as-tu fait? Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol!" (verset 10). Et Yahvé proclame une nouvelle malédiction: "Maintenant, sois maudit et chassé du sol fertile qui a ouvert la bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Si tu cultives le sol, il ne te donnera plus son produit: tu seras un errant parcourant la terre" (verset 11-12). Caïn, nomade sédentarisé, se trouve ainsi condamné à retourner au nomadisme. Prenant conscience de son acte, Caïn éprouve du remords et déclare que cette peine est trop lourde à porter. Il sait fort bien que sa vie sera mise en danger et implore Yahvé d'alléger sa peine. Yahvé le lui consent et met sur lui un signe pour le protéger. Ce signe n'est pas un stigmate infamant, mais bien un signe protecteur en le désignant comme membre d'un clan où s'exerce la vengeance du sang. Caïn se retire ensuite et se rend au pays de Nod, situé à l'orient d'Eden (pays inconnu , mais qui n'est pas sans rappeler l'épithète donnée à Caïn, "errant", "nad").
Quoi retenir?
Ce récit n'est pas sans ressemblance avec le récit de la chute que nous avons lu précédemment. Caïn reçoit l'ordre de Yahvé de ne pas se soumettre à ses pulsions fratricides, mais plutôt de les maîtriser. Il Lui désobéit en faisant sien la prérogative du bien et du mal . Il met fin à la vie de son frère qui détermine la malédiction de Dieu. Caïn se verra dorénavant refuser l'appui de tous, y incluant celui de la terre. Yahvé n'en est pas moins miséricordieux, car Il répond aux remords éprouvés par Caïn. Par la protection qu'Il lui confère, il ne sera pas permis de tuer le meurtrier.
Pour les Hébreux, le récit de Caïen et Abel illustre l'opposition entre les nomades et les sédentaires. Pour les théologiens, il met en place le principe du Juste sur l'Injuste, et les conséquences qui en découlent. En regard de la liberté donnée à l'homme, nous devons comprendre que "tout acte directement voulu est imputable à son auteur" (Catéchisme de L'Église Catholique, article 1736).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire