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mardi 22 mai 2012

Le sacrifice d'Abraham (Gn 22, 1-19)

Dans le cycle d'Abraham, ce récit est sans conteste l'un des plus connus et des plus commentés. Le texte est probablement de tradition élohiste; du moins, on peut penser que par respect pour cette tradition on y a maintenu le nom de "Yahvé".  Le récit met en jeu une épreuve dont l'intensité dramatique est particulièrement forte. Et la réponse d'Abraham n'en est pas moins étonnante.

Yahvé interpelle Abraham par son nom et celui-ci lui répond: "Me voici!" (verset 1). On détecte dès le premier verset cet élan d'obéissance si caractéristique au patriarche. Qui d'entre-nous consent à répondre si promptement à l'appel de Dieu?

Yahvé donne ensuite la consigne à Abraham de prendre son fils Isaac (l'enfant qui doit assurer la descendance du peuple élu) et de se rendre au pays de Moriyya. La culture biblique et la tradition associent ce nom à la colline où s'élèvera plus tard le Temple de Jérusalem. En réalité, le nom de ce pays et sa localisation demeurent inconnus. C'est dans ce pays, sur le sommet d'une montagne, qu'Abraham devra, selon la volonté divine, sacrifier son fils en l'offrant en holocauste à Dieu. La demande a de quoi surprendre !


Pour faire suite à la demande de Yahvé, les versets trois à dix en soulignent l'exécution. Abraham se lève tôt, selle son âne, prend avec lui son fils et deux serviteurs. Il fend le bois de l'holocauste et se met en route pour la montagne que Yahvé doit lui indiquer. Au troisième jour, Abraham voit de loin l'endroit et demande à ses serviteurs de l'attendre. 

" Demeurez ici avec l'âne, Moi et l'enfant
nous irons jusque là-bas,
 nous adorerons et nous reviendrons vers vous." (verset 5)

Il peut sembler surprenant qu'Abraham utilise le pronom "nous" en s'adressant aux serviteurs. Cherche-t-il à les épargner sur ce qu'il s'apprête à faire? Ou bien, est-ce  le signe d'une présomption qui annonce la fin du récit?


Abraham prend le bois de l'holocauste qu'il charge sur le dos de son fils et  prend soin de porter le feu et le couteau. À cet inventaire, Isaac n'est pas sans remarquer que l'agneau fait défaut. Il en demande la raison à son père. Ce dernier lui répond que c'est Yahvé qui doit y pourvoir.

Une fois arrivé sur le sommet de la montagne choisie par Yahvé, Abraham élève un autel et y dépose le bois. Il lie son
fils et le dépose sur l'autel, par-dessus le bois. Il prend le couteau et, toujours sans rien dire, se prépare à sacrifier son fils. Abraham consent à tout donner à Dieu, en commençant par ce qui lui est le plus cher. Son geste traduit son inaltérable confiance en Dieu.



Au même moment, un Ange interpelle Abraham pour lui demander de ne faire aucun mal à l'enfant. Abraham met fin à son geste. Il lève les yeux et aperçoit un bélier qui s'est pris les cornes dans un buisson. Il prend ce bélier et l'offre en holocauste à Yahvé à la place de son fils. Après cet événement, Abraham donne à ce lieu le nom de "Yahvé pourvoit". L'idée juive de sacrifice de substitution (au moyen d'un animal) s'affirme et trouvera son accomplissement dans la figure de Jésus (l'agneau immolé).


Comment Dieu a-t-il pu demander à Abraham de tuer son fils? D'autant plus que ce fils est celui que Dieu lui avait promis. Pourquoi Abraham reste-t-il silencieux quant à la demande de Dieu? La tradition juive ancienne voit dans son silence un signe de son débat intérieur face aux voies, parfois incompréhensibles, de Dieu. Fort heureusement, le sacrifice n'a pas eu lieu. Abraham sort vainqueur de l'épreuve et béni pour avoir fait totalement confiance à Dieu. Abraham consent à voir mourir son fils pour que celui-ci puisse vivre sans lui. L'épreuve du détachement nous fait comprendre que seul Dieu fait vivre.

Il est possible qu'à l'origine ce texte ait été greffé à un récit  de fondation de sanctuaire israélite. À la différence des sanctuaires cananéens, aucune victime humaine ne pouvait être offerte sur l'autel. 

Le récit justifie aussi la prescription rituelle du rachat des premiers-nés d'Israël. En effet, selon la culture hébraïque, les premiers-nés, tout comme les premières prémices, appartiennent à Dieu. Ils ne doivent pas être sacrifiés, mais plutôt rachetés. Le récit actuel condamne les sacrifices d'enfants. On lit dans le Lévitique que les sacrifices humains sont déclarés "abominables aux yeux de Dieu" (Lv. 20,2).Les Cananéens, qui ressentaient l'angoisse d'être coupé de Dieu, pensaient que celui-ci pouvait être jaloux du bonheur de l'homme. Ils procédaient au sacrifice d'enfants pour calmer cette angoisse.

Pour les Pères de l'Église, la figure d'Abraham qui consent à sacrifier son fils préfigure celle de la Passion de Jésus, le Fils unique.









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